Au Centre d’Ecologie Montagnarde (CEM – Centrul de Ecologie Montana) à Moieciu de Sus, une énergie unique en son genre s’y dégage : de la passion mêlée à la dévotion pour la nature en toute simplicité. Mihai Orleanu, son fondateur, est un visionnaire : les prairies (fânețele) représentent la matrice, l’élément clé de l’écotourisme, qu’on doit à tout prix conserver.
Le CEM prend vie au début des années 90. Mihai est encore installé avec sa famille en Europe de l’Ouest lorsqu’il décide de renouer avec son pays natal, la Roumanie. Grand amoureux de la vie campagnarde et montagnarde, il investit dans une petite maison à Moieciu de Sus et s’y installe avec sa femme et ses deux filles. La fondation CEM commence à prendre forme et ses actions de sensibilisation pour cette région protégée ne cesseront de croître.

ADOR : Que représente exactement le CEM ?
MO : Tout d’abord nous avons rénové la maison achetée à Moieciu de Sus afin d’organiser des excursions pour des études de géologie et géographie pour des Universités d’Allemagne. Ensuite, afin de pouvoir développer notre activité, nous avons créé une fondation en 1998, CEM – avec pour objectif principal le développement durable des Carpates et la découverte de la nature de cette région. En plan secondaire, nous avons fait aussi du tourisme, des chambres d’hôtes, toujours dans l’objectif de faire connaitre la beauté de notre région.
Le réseau Opération Village Roumain nous a été très utile à travers leurs programmes de gestion et management. Ainsi en 1995 nous avons été impliqués dans un programme PHARE de tourisme rural pour développer le tourisme dans la région Fundata – Moieciu – Bran. Nous avons réalisé les premiers balisages pour les randonnées avec indications. Nous voulions changer le visage de l’agro-tourisme local, que les gens viennent pour apprécier davantage la nature et pas uniquement pour faire un barbecue.

Au début, nous avons commencé avec nos propres ressources, c’est-à-dire nous-mêmes : mon père était pédologue, ma femme qui avait écrit sa thèse en géobotanique sur les collines de Fundata et Moieciu de Sus, et moi-même, géophysicien. Actuellement nous sommes une belle équipe de 5 personnes passionnées autour de laquelle gravitent plusieurs associations, organisations, experts et bénévoles qui s’impliquent en fonction des besoins des projets. La majorité d’entre eux a une autre occupation professionnelle et ils habitent sur Brasov ou Bucarest, mais ils ont tous le même point en commun : la passion pour la montagne et l’écotourisme.
ADOR : Ce 6 mai, vous organisez la 8ème édition d’EcoMarathon (EM). Pouvez-nous en dire un peu plus ?
MO : L’EcoMarathon est tout d’abord un évènement sportif, mais nous le présentons plutôt comme un Festival, car derrière cette “course” se cache toujours la même idée de découverte et préservation des paysages. Nous souhaitons sensibiliser un maximum de gens sur le fait que l’agriculture en montagne soit en voie de disparition. Vous pouvez constater qu’il y a des prairies non entretenues, laissées parfois à l’abandon, une partie de la population locale s’intéresse uniquement à l’hébergement des touristes. Notre fondation tente d’encourager ces personnes, de leur expliquer et même de les soutenir financièrement grâce à diverses subventions. Un de nos objectifs est de donner un cadre juridique à ces paysages (genre High Nature Farmland) ou une loi de protection et de conservation du paysage en tant que territoire culturel et traditionnel.

Bien évidement tout le monde n’est pas conscient de cette biodiversité, de l’importance des prairies (fâneața) qui sont pourtant l’élément clé : sans les prairies, il n’y aurait plus les meules de foin qui façonnent le paysage si typique de notre région, ni de fenils et cabanes en bois, ni de bétail, et au final ce serait la disparition du tourisme…Mais il faut reconnaître que ce n’est pas un travail facile pour les paysans, et que l’ascension pour atteindre leurs prairies en altitude s’apparente à un sport extrême, à un âge déjà bien avancé souvent…
Donc, l’EcoMarathon a été créé dans cette optique il y a 8 ans ; nous avons commencé avec 300 participants pour arriver aujourd’hui au nombre de 1700, tous passionnés de montagne, y compris 600 enfants. L’EcoMarathon, a été précurseur et reste un des principaux marathons de ce genre en Roumanie ; actuellement on constate une explosion des événements outdoor, ce qui est très positif et annonciateur d’un changement de mentalité. 180 volontaires nous aident à organiser l’EcoMarathon, pour le balisage des parcours, l’entretien et le nettoyage, le ravitaillement et autres actions nécessaires.

ADOR : Comment les autorités et habitants du village perçoivent-ils cet évènement?
MO : Au départ ils étaient plutôt réticents, ils pensaient que nous agissions pour notre compte personnel uniquement. Avec le temps, beaucoup ont compris que l’EM est surtout bénéfique pour eux et pour notre village, certains nous donnent un coup de main, en offrant un repas ou une chambre pour un journaliste, photographe etc. En plus, les sportifs viennent s’entraîner ici en cours d’année afin d’être en forme le jour J du marathon, et ils restent dormir et manger sur place, cela génère donc aussi une autre forme de tourisme , et finalement tout le monde y trouve son compte.
Quant aux autorités de Moieciu, elles nous ont plutôt soutenus depuis le début et notre collaboration s’améliore tous les ans. En effet, l’Ecomarathon nécessite une forte mobilisation de leur part pour assurer le bon déroulement de la course, car nous avons besoin d’ambulances, de toilettes mobiles, de la police locale et routière, des équipes de sauvetage, etc.

ADOR : Comment les touristes étrangers considèrent-ils Moieciu de Sus ?
MO : Ils apprécient tous cette authenticité de la vie rurale et auprès de la montagne. Mais la vie se modernise partout et c’est très difficile de conserver et d’entretenir cet aspect. Un de nos objectifs est d’obtenir une règlementation pour que les gens préservent et construisent conformément à une architecture locale et traditionnelle. Nous portons également l’accent sur la promotion de nombreux savoir-faire locaux qui sont en voie de disparition.
Nous tentons de réunir toutes nos actions sous le nom de Poarta Carpatilor (La Porte des Carpates) et souhaitons offrir autre chose que le tourisme classique de masse. Le tourisme dans notre région ne signifie pas seulement visiter le château de Bran, et de se relaxer autour d’une bonne table, cela est trop réducteur. Il s’agit d’offrir aux touristes la possibilité d’apprendre et d’expérimenter les activités traditionnelles avec les habitants de la région, par exemple le fauchage à l’ancienne, la fabrication du fromage, la coupe du bois, le tissage de la laine, etc. Permettre aux touristes de devenir acteur de l’écotourisme, telle est notre vision.
http://www.cem.ro
http://www.ecomarathon.ro
http://www. poartacarpatilor.ro
@ Oana
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